Vous connecter avec vos identifiants

ou    

Connect with Facebook

Vous avez oublié vos informations ?

Create Account

Danse avec la Vie

Entre la roche, le sable et la mer, je file plein Sud sous la tôle d’une fourgonnette cuite par l’implacable soleil moyen-oriental, soulevant une trainée de poussière jaunâtre qui finira par retomber sur les rares bicoques dispersées le long de la route qui mène à la petite jetée de Hamata. Pays des Pharaons, terre de mythes, berceau de l’humanité, l’Egypte regorge d’une énergie solaire qui me remplit déjà, quelques heures à peine après un atterrissage au-delà des dunes.Mais l’énergie que je viens chercher n’est pas celle de la pierre ni des anciens dieux. Je viens chercher l’eau, la danse, l’apnée. Je viens chercher les dauphins. Dans le sud du pays, au large des côtes, on dit qu’il existe un lagon magique où l’homme renoue avec la nature, réalisant le rêve de l’interaction delphinienne. On dit que ce lagon est un temple dans lequel des familles entières de dauphins à long bec (Stenellalongirostris) viennent jouer, se reproduire ou dormir. En liberté et sans show, sauvages et sans cages. J’ai décidé d’en franchir le seuil et de m’y plonger le temps d’une petite semaine.

En arrivant d’Hurghada, il faut près de cinq heures de route pour rejoindre la marina où nous attend La Vela, magnifique goélette à deux mats. Au moment de monter à bord, le premier geste est fort de sens : on se déchausse, balançant baskets et chaussettes au fond d’une caisse en plastique qu’on aura vite fait d’oublier. Symboliquement, tu laisses à quai une partie de toi dans un premier mouvement vers la liberté. Car il y a bien un avant et un après Sataya. Avec le recul, je me plais à imaginer que nous avons alors embarqué sur un vaisseau sacré, trait d’union entre deux mondes, une barque que les hommes ont créée pour voguer jusqu’aux dieux de la mer, seigneurs des eaux et des océans, les dauphins.

Très rapidement, une forme de cohésion se crée au sein du groupe et de ving tinconnus, nous sommes passés à devenir vingt complices. La navigation, l’exiguïté du pont et « l’objectif dauphins » nous rapprochent. Est-ce la magie du lagon qui opère déjà ? Il n’a pas fallu une journée pour que le groupe se soude. Tous se retrouvent ici avec des buts et aspirations communes : la découverte de soi, le retour aux sources, le rêve des dauphins. Rêve partagé par quelques apnéistes monopalmés, d’humbles adeptes du PMT, ainsi que – quelle audace ! – un petit nombre de courageux bravant une peur primale de l’eau. Les dauphins : pour beaucoup d’entre-nous, ils sont un rêve, un appel. Ces êtres reflètent la perfection ultime, une beauté sublime qui n’éclate que lorsqu’ils sont libres.

La traversée se déroule sans encombres et sous le soleil, l’œil aux aguets de la moindre nageoire qui voudrait déjà se dévoiler. Une excitation enfantine est perceptible, une saine énergie de vie à l’instar de celle que, gamins, nous transpirions lorsque nous partions à l’aventure entre les troncs de chênes immenses, que nous découvrions le Nouveau Monde par-delà les collines herbeuses ou que nous tracions routes, signes kabbalistiques et rivières dans les sables infinis des plages du Sud. Accueillir cette énergie dans nos vies d’adultes est sans doute l’occasion de renouer avec cette part de magie et d’émerveillement que nous avons tendance à trop vite oublier en grandissant. Accrochés au bastingage de La Vela sous le puissant soleil égyptien, loin des craintes et des recommandations des affaires étrangères, nous sommes tous des Peter Pan voguant vers le monde imaginaire.

Le soleil se lève, douce caresse matinale réchauffant un visage détendu par une nuit sous les étoiles. Amarrés dans le lagon de Sataya, nous scrutons l’horizonet la surface des flots. L’espoir nous anime et écarquille nos pupilles endormies. C’est alors que nous les voyons. Leurs nageoires dorsales fendent l’eau, éclats d’argent luisant, à bonne distance du bateau. Il n’est pas question d’un dauphin isolé. Devant nous se meut une famille entière, une vingtaine d’individus visibles, peut-être plus, et d’autres sous la surface. Il nous faut prendre les zodiacs et tenter de les approcher en douceur.L’interaction avec ces mammifères suit certaines règles et conditions, ses do’s and don’ts. Sataya n’est pas Disneyland, un Stenella longirostris encore moins Flipper. Celui qui rêve de surfer accroché à une nageoire n’a pas sa place ici. Patience, observation, distance. Le dauphin est un animal sauvage qui s’approche et se respecte en tant que tel. Sympathique peut-être, il n’en reste pas moins protecteur, vif, fragile et bagarreur s’il le faut. Dans tous les cas, c’est lui qui choisit et décide de la qualité de la rencontre. Et puis, au fil des jours, nous apprendrons à entrer en relation à travers d’autres sens que le toucher : nos émotions, nos pensées, nos regards et notre gestuelle. Nous apprendrons à les connaître, à nous calquer à leur état et non pas leur imposer nos envies. Et cela fonctionne. A tel point que je me pose les questions suivantes : y a-t-il un autre animal sauvage sur cette planète avec lequel une telle interaction est possible ? Y a-t-il un autre animal sauvage qui cherche à ce point le contact, le jeu, la proximité, la confiance avec l’homme ? A de rares exceptions près et sauf erreur de ma part, ce comportement est absolument unique.

Nous nous glissons à l’eau un par un. Première approche, les yeux grands ouverts, précautionneux et timides. Comment faire pour bien faire ? Observe et imite. Ne force rien, laisse toi emporter par le mouvement. Pour cette première rencontre, les dauphins nous tolèrent. Ils sont en phase de repos. Je baisse le rythme de ma respiration, adapte mon palmage et reste à distance. Quelle beauté ! Le Stenella Longirostris est un petit dauphin, de taille humaine, effilé. Je distingue nettement sa peau lisse, grise et marquée par endroits de coups de dents. Il fait bon nager à leurs côtés de si bon matin. Après quelques temps, un petit nombre d’individus se réveillent et nous approchent, intrigués, lançant quelques tentatives de jeux. Ce n’est pourtant que plus tard que nous aurons droit à l’énergie delphinienne à l’état pur. Sauts, virages serrés, tonneaux, demi-tours, les dauphins nous gratifient d’une démonstration de voltige marine à laquelle nous tentons tant bien que mal de participer. Car quand on le titille, le dauphin répond. Quelques hochements de tête rapides, je plonge, donne deux coups de monopalme et suis immédiatement rejoint par un puis deux dauphins. Le ballet commence, descente en spirale vers le fond, ne pas oublier de compenser,  demi-tour, onduler sur le dos, écarter les bras, sourire sans boire la tasse, un looping et quelques cercles, j’ai la tête qui tourne, trois coups de palme, remonter ensemble vers la surface et – vite – reprendre son souffle. Rock’nRoll !

Lors de mes plongées, j’ai pu constater à quel point nous ne sommes que des spectateurs, ridiculement lents et malhabiles en comparaison des dauphins. Et malgré cela, ceux-ci cherchent le contact, curieux, amusés, demandeurs. Fiers aussi, lorsqu’ils expriment toute leur puissance et leur agilité. Plonger avec eux est une fable et nombreuses furent nos apnées en leur compagnie. En notre présence, les dauphins adoptent des comportements très différents, exprimant des énergies diverses. Tantôt joueurs et explosifs, tantôt coquins – leurs habitudes sexuelles sont plutôt libertines – ou carrément dormeurs. L’intelligence et le respect voudront donc que l’on observe d’abord puis que l’on se calque à cette énergie avant de plonger.

L’avantage de l’apnée est qu’elle nous permet d’approcher les dauphins en douceur et dans le calme. Elle nous permet d’être libres, mobiles et somme toute rapides. Toute proportion gardée, nous retrouvons nos origines de mammifères marins et c’est, sans doute, ce qui contribue à nous rapprocher des dauphins dans ces moments. Lorsque la connexion se crée, l’ego s’évanouit au profit d’une conscience collective dirigée vers ce groupe de Stenellalongirostris – parfois près de cent ! – qui trouve refuge ici. Magie de l’instant présent, folie d’une apnée et d’une danse delphiniennes, perfection absolue d’un corps taillé pour la glisse, l’accroche intense du regard. Ce regard, inoubliable. L’œil du dauphin. Si éloigné et si proche à la fois. Profond, tendre, impartial. Beaucoup sont ceux à y voir un immense Amour et j’en fais partie. Lorsque la connexion visuelle entre l’homme et le dauphin s’établit et que se crochent les yeux, tout le reste disparaît. Le temps, le monde et les genres. L’espace d’un instant, il n’existe plus que deux corps fusionnés, l’apnéiste et le dauphin, unis dans un même ballet physique et émotionnel, un moment unique.

D’un point de vue philosophique, ce voyage s’inscrit dans la droite ligne du postulat suivant : l’homme bon existe, une relation harmonieuse, contemplative et respectueuse avec la nature est possible. Preuve en est le miracle quotidien de cette danse avec la vie qu’est l’interaction entre les dauphins et nous. Sans naïveté ni angélisme. Il est l’occasion d’arpenter le sentier qui mène à la découverte de soi, des autres et de la nature, de se laisser porter par la magie de l’eau et la grâce delphinienne. Des mots forts que celui qui n’a pas vécu la force d’un corps-à-corps avec les dauphins trouvera sans doute excessifs. Fouler à nus pieds le pont de ce splendide voilier, laisser glisser son regard le long du récif, sur les flots et dans l’infini des étoiles, respirer le iode marin, sentir le vent caresser sa peau puis plonger en apnée et onduler à la rencontre des dauphins fut pour moi aussi fort que de me lancer dans un rite d’initiation. Un processus de transformation inimaginable. Peut-être était-ce dû à ce que je traversai dans ma vie à ce moment-là. Peut-être était-ce dû au fait qu’ici, il n’y a ni wifi, ni carte bleue, ni face truc et twitt machin.

Le lagon m’a transformé. Ce voyage fut une machine à laver émotionnelle. L’abandon du superflu. Un retour à l’essentiel. Une découverte en même temps qu’il fut une évidence. J’ai réalisé un vieux rêve, qui est aussi celui de beaucoup d’autres. Approcher et interagir avec cette nature que l’homme moderne s’acharne trop souvent à dominer et soumettre. J’ai vu des amis pleurer de joie dans leur masque et d’autres rire comme des gosses, époumonés de plaisir en remontant à la surface. Y a-t-il quelque chose de plus merveilleux que de ne faire qu’un avec un dauphin, de danser ensemble palme contre nageoire à dix ou vingt mètres sous la surface de l’eau, de se sentir intégré et accueilli dans un groupe, d’onduler calmement au milieu de ces mammifères ? Que penser de ces animaux qui viennent délicatement poser leur peau grise contre mon corps, qui adaptent leur rythme au mien et qui m’accompagnent ou me guident ? Qui suis-je pour mériter cela ? Quelle est cette proximité soudaine qui nou suni ? A l’instar des baleines et leur chant poignant, les dauphins nous enseignent-ils à voir le monde sous un autre œil, à aimer la Terre au lieu de la détruire ? A être aimants et insouciants ? Cherchent-ils à nous faire comprendre combien nous gagnons à vivre dans le présent, à ouvrir notre cœur plutôt qu’à aiguiser nos armes ? Les dauphins n’ont rien de nihilistes déboussolés. Ils évoluent de manière coordonnée, hiérarchisée, défendent leurs petits, se battent et chassent. Ils gardent néanmoins ce goût du jeu réjouissant et transmettent une confiance édifiante.

Une chose est quasi-certaine : pour autant qu’on le respecte, qu’on s’ouvre à lui, que l’on soit dans l’accueil et non dans le « vouloir », dans la bienveillance et l’harmonie, le dauphin viendra. Il nous offrira le plus beau des cadeaux : le réenchantement de notre monde, l’énergie, l’Amour, l’émotion, l’émerveillement. L’expérience concrète de sentir ce lien qui nous unit tous, au-delà des kilomètres et par-delà le visible. En ce sens, la danse avec les dauphins et ce voyage, dans sa globalité, sont une magnifique e tbouleversante leçon de vie. Le dauphin, je ne sais pour quelle raison, possède cette faculté de nous toucher au plus profond. Il nous confronte à qui nous sommes. Le dauphin, danseur infatigable et source de vie, est le miroir de notre âme. Un catalyseur de guérison.

 

michaeldeepee supports

''7sky.life - Building a beautiful world''

NEWSLETTER

Subscribe to our NEWSLETTER
You are free to unsubscribe at any time.
We respect your privacy !

SUIVRE

Contactez l'auteur

CONTACTEZ NOUS

Vous avez besoin de plus d'information, envoyez nous envoyer un email et nous allons revenir à vous, dès que possible.

En cours d’envoi

Copyrights 2024 all right reserved - 7sky.life | powered by Concept-Web

Vous connecter avec vos identifiants

ou    

Connect with Facebook

Vous avez oublié vos informations ?

Create Account