Les pérégrinations d’une grande famille et deux ânes au coeur de la toile de la vie.
Le 1er Jour… le 20 mai 2017.
C’est le grand départ, mais juste pour un petit tour !
Beaucoup d’euphorie et un peu d’appréhension tout de même avant ce nouveau pas…
Il pleut des cordes…
Magnifique !!!
Nous aurions peut être préféré une bénédiction plus subtile pour nous mettre sur la route. Tant pis!
Dans un premier temps, nous observons le ciel et remettons notre départ à plus tard, la météo semble être plus clémente dans une heure. Tout d’un coup, le bon moment arrive et nous partons rapidement.
Et effectivement, il ne pleut plus lorsque Hervé arrive aux ânes pour les chercher. C’est tout de même assez inattendu de se retrouver sur la route avec un ciel aussi sombre mais nous sommes tous de bonne humeur.
La première partie du chemin jusqu’au tunnel nous sert à créer-découvrir les règles de conduite à tenir avec des ânes et des enfants, sur des routes de montagnes. Quelques ajustements s’imposent.
Heureusement, la vieille route qui contourne le tunnel nous permet de nous détendre un peu et d’apprécier ce paysage grandiose que nous connaissons bien mais qui acquiert aujourd’hui une toute autre profondeur avec le brouillard et les arbres qui se prennent pour des comédiens dans un théâtre d’ombres. Même le lac miroite tout un autre espace et nous sommes chacun un peu perdu dans notre intériorité. La nature est dans sa force et nous sommes tout petits.
Les arbres me fascinent particulièrement. Je me souviens qu’à mon arrivée à Mergoscia je ne me lassais pas de les observer. Ils me sont plus familiers aujourd’hui, mais me touchent toujours autant.
Après Contra, puisqu’il ne pleut pas, les enfants décident d’enlever leurs pantalons de pluie. Et bien sûr, c’est le moment exact que choisit la pluie pour faire son retour !!! Impossible de faire remettre les pantalons aux enfants … Ils expérimenteront les joies de l’eau et Sonam qui a mis un poncho qui conduit l’eau dans ses chaussures avec une grande exactitude se retrouve complètement trempé.
Nous prenons la « Strada Collina Alta ». Le chemin est beau et désert par ce temps. Il nous semble déjà être dans un monde complètement inconnu, alors que nous n’avons pas fait 10km depuis la maison. La pluie est bien présente et la montée forte même si notre projet est de descendre en ville. Personne ne se plaint vraiment. Je réalise que j’ai une chance inouïe. Je suis juste dans la bonne famille pour réaliser ce genre de folie. Je suis particulièrement contente aussi qu’Eleni, nous accompagne. Cela m’est très précieux de partager encore ce genre d’aventure avec mes enfants adultes.
Nous avançons d’un bon pas et les ânes sont extraordinaires. Ils nous suivent partout et passent les escaliers, les ponts et les autres obstacles presque facilement.
Pourtant, à un certain moment, alors que nous sommes déjà loin et avons passé les câbles du téléphérique de Cardada et qu’il nous reste plus qu’à descendre, voilà que les ânes refusent catégoriquement de traverser un pont. Ce dernier n’a rien d’extraordinaire mais rien n’y fait, ils ne franchissent pas cet obstacle.
Tout d’un coup, je réalise que le vrai problème est ailleurs. C’est comme si je saisi une pensée de mise en garde de Tullie, l’ânesse la plus âgée. Il nous faut retourner en arrière et faire vite. Juste à ce moment là, le vent se lève et il semble que la tempête qui s’approche sera terrible. Des branches tombent des arbres, ce n’est pas une bonne idée de rester dans les bois. Nous retournons jusqu’au dernier point où nous avons croisé la route et la dévalons … dans le sens inverse de celui où nous allons…
Cela nous mène à Orsellina et nous y arrivons juste à temps pour nous réfugier sous le porche de l’église. Nous avons déjà marché beaucoup et longtemps, il est passé 16 heures. Nous sommes en marche depuis 10h30 avec deux petites pauses : une pour manger et une lorsque les ânes n’ont pas franchi le pont. Nous réalisons que notre but est encore très loin et que les conditions sont un peu extrêmes. Le vent est fort et froid. Les enfants sont détrempés. Aussi nous prenons la décision de les mettre dans le bus publique. Au Monte Verità, ils ont la gentillesse de proposer de venir prendre les enfants, nous sommes très reconnaissant de cette main tendue et continuerons seuls avec les ânesses.
Juste à ce moment le grand nuage noir qui nous menaçait arrive sur nous et il grêle violement. Je suis heureuse d’être à l’abri et remercie les ânes de nous avoir conduits jusqu’ici. Quelle chance ! Un pareil orage au milieu des bois n’est certainement pas très amusant. Nous formons une bonne équipe. Je suis reconnaissante de ce qui s’est passé. J’ai appris qu’il nous est possible de nous mettre à l’écoute de l’instinct de nos amies et d’utiliser ces informations pour nous simplifier la vie, même lorsque les apparences sont contraires.
Depuis Orselina, la descente se fait sur la route. Le gros de l’orage est passé et il pleut moins violemment. Ce n’est pas agréable d’être sur le bord de la route. Les automobilistes semblent dérangés de nous trouver là, mais notre problème est que la plus grande partie de sentiers commence ou finit avec des escaliers infranchissables pour nos amies…
A un certain moment, il y a des travaux sur la route avec un feu rouge et nous ne savons pas trop s’il vaut mieux passer au rouge ou au vert ? Nous passons simplement. De toute façon notre vitesse nous conduit à nous retrouver au milieu lorsque le feu change. C’est un moment stressant. Je réalise que nous allons probablement souvent être dans des situations où malgré nos programmes, recherches et planifications de sentiers, il nous faudra changer d’itinéraire et marcher au bord de la route. C’est vraiment dommage que nos routes soient faites pour les voitures avec si peu d’égards pour les marcheurs et la mobilité douce.
C’est là, au milieu du déluge et de l’inconfort de ce bord de route que nous comprenons à quel point nous sommes heureux de nous être lancés dans cette aventure : nous sommes aussi fous l’un que l’autre et ravis de cette liberté qui nous pousse à agir hors de tout ce qui peut paraître sensé pour d’autres.
La traversée de la ville est plus amusante que stressante. Il y a de grands tas de grêlons par terre et nous réalisons que l’orage à dû être encore plus violent ici et que nous avons eu vraiment de la chance d’y échapper. Sur le pont de la Maggia, les voitures circulent lentement et nous les voyons ralentir pour mieux nous regarder. Les parents nous montrent à leurs enfants. Presque tous s’illuminent à notre vue et je prends conscience de notre aubaine : nous allons créer une vague de joie sur notre passage ! Quelle belle chance !
Les derniers pas sur les sentiers du Monte Verità sont durs, nous peinons tous à la montée. Les ânes plus que nous encore. Mais une fois en haut, c’est merveilleux. Nous sommes extrêmement bien accueillis et les enfants sont contents. Nous réalisons à quel point nous avons de la chance d’arriver en étant attendus. Cuisiner aurait été vraiment difficile : nous avons marché près de 8 heures avec beaucoup de dénivelé tout en gérant les ânes… Cette étape qui devait être facile s’est révélée extrême pour un premier jour. Il faudrait pouvoir prévoir que le sentier est parfois plus long que prévu.
Finalement, nous mangeons avec en toile de fond un panorama merveilleux. Le ciel s’est ouvert et laisse passer la lumière et même quelques rayons de soleil. Il paraît qu’il y a eu un arc en ciel magnifique. C’est de bon augure pour la suite de nos aventures.
julie breukel michel
