Texte: Guillaume Desmurs / E-Adrenaline
A une époque lointaine, il n’y avait qu’une seule marque qui parlait de protection de l’environnement, qui fabriquait des vestes en bouteilles plastique recyclées : Patagonia. Aujourd’hui, l’écologie est un passage obligé des discours de marques. Petit tour d’horizon des efforts pour être plus verts…
Quel est l’impact de nos vêtements de sport outdoor sur notre nature qui est si belle ?
La mésaventure de Patagonia cet été, avec la révélation des pratiques barbares d’un sous-traitant argentin, a souligné la sensibilité du consommateur sur la question écologique et de bien-être des animaux. Une catastrophe en terme de relations presse, et injuste d’ailleurs, pour une marque qui a fait de la protection de l’environnement le coeur de son ADN depuis 30 ans.
Aujourd’hui, la plupart des marques s’entourent de spécialistes, d’agences conseil, d’expertise interne, pour proposer des produits respectueux de l’environnement. « Parmi les marques il y a du bien, du très bien et du très mauvais. Il y a beaucoup de marketing c’est sûr, peut-être même plus que d’efforts concrets, mais il y a des boites qui s’engagent vraiment. Et toutes les marques agissent… », estime Stewart Sheppard, responsable Développement Durable chez Gore-Tex.
Il existe de nombreux labels et normes : le label Bluesign Technologies s’intéresse aux produits chimiques présents dans les textiles tandis que la norme Responsible Down Standard (RDS) garantit la bien-traitance et la traçabilité de la plume jusqu’au produit fini. La technologie du DryDye (utilisée notamment par Peak Performance) n’utilise pas d’eau et réduit la consommation d’énergie.
Les marques Lafuma (qui utilise par exemple un garnissage à base de maïs), Eider et Millet travaillent avec une agence spécialisée dans la question. « Nous sommes en contact quasi-quotidien avec leurs bureaux d’étude et chaque trimestre nous avons une réunion de formation », explique Thibaut Liebenguth, l’un des créateurs de l’agence AIR, « L’objectif est de travailler sur quatre grands axes : la marque (la communication pour faire connaître la démarche), l’entreprise (la vie interne avec par exemple la fin des gobelets plastique dans les machines), les employés (création d’un groupe de travail interne lié au développement durable), les produits (l’éco-conception) et les fournisseurs (certification des usines en Asie). On forme aussi sur la règlementation chimique pour être exigeant dans le sourcing ».
On pourrait aussi citer Picture Organic Clothing, qui a inscrit cette démarche responsable dès sa création, en témoigne leur sac à dos à lignes pointillées qu’il suffit de découper, lorsqu’il est en fin de vie, pour le transformer en une trousse de toilette, deux trousses simples, une housse d’ordinateur. C’est l’une des pistes des fabricants : la seconde vie des produits. Pour être tendance, on parle d’upcycling, ce qui signifie « donner à des objets en fin de vie un nouvel usage, sans transformation chimique », explique Thibaut.
Certaines marques, comme The North Face, explorent des voies nouvelles. L’année dernière, la marque a tenté une expérience en fabriquant un sweat-shirt dont tous les composants provenaient d’un rayon de 200 km autour de son siège social à San Francisco. C’est l’un des projets de leur backyard project dont le but est de travailler avec des sociétés américaines (du fermier à l’usine). The North Face n’a pas tout à fait réussi sa mission du 200 km mais le but essentiel est atteint : il est possible de fabriquer des vêtements en utilisant les ressources locales ! Dans la même logique, Ortovox n’est pas allé chercher sa laine à l’autre bout du monde, elle provient de moutons qui paissent dans les Alpes suisses ! Moins de transport, moins de pollution.
Car agir efficacement n’est pas si facile. Ainsi, le lavage et le séchage d’une veste imper-respirante génère plus d’un tiers de sa pollution en CO2 globale ! « Mettre des produits recyclables dans une veste, c’est bien mais tu ne peux pas séparer les matières recyclables des non-recyclables en fin de vie. C’est le problème principal du recyclage. Une veste, c’est : du polyester, du nylon, du polyamide, du coton et aujourd’hui nous n’avons pas de méthode viable pour séparer le coton et le polyester. Un vrai produit recyclable doit être composé à 90% de la même matière, ce qu’a fait Picture Organic Clothing avec un pantalon à 95% en polyester : ça c’est recyclable ! », raconte Stewart Sheppard.
Et il met le doigt sur ce qui est, au final, le principal responsable de la pollution engendrée par nos activités sportives : « L’augmentation exponentielle de notre consommation est plus problématique que ce qu’il y a dans les produits. Mettre du produit recyclé dans ta veste c’est bien mais ça représente 1% de l’impact en CO2 de la veste. Bof. Il vaut mieux faire une veste qui dure longtemps, 5 ans au minimum ! Un produit qui dure plus longtemps pollue moins », explique Stewart Sheppard. On en revient à cette publicité d’une marque de vêtement montrant son dernier produit barré de grandes lettres clamant : « Don’t buy this jacket » (n’achetez pas cette veste). Il s’agissait de Patagonia.