Text: Emmanuelle Perrin Copyright © Gentside Découverte
Okinawa était, il y a une dizaine d’années seulement, la région du monde dans laquelle l’espérance de vie était la plus longue. Un scientifique japonais s’y intéresse depuis longtemps et il pourrait bien avoir découvert le secret de cette surprenante longévité. Les Japonais sont connus pour établir des records en matière de longévité. Depuis juin 2013, le rôle de doyenne de l’humanité est d’ailleurs détenu par une Japonaise, Misao Okawa âgée de 115 ans. Mais une région particulière du Japon a acquis une réputation mondiale dans ce domaine : Okinawa. Et pour cause, comptant quelque 30 îles, cet archipel bat des records en matière de longévité. « Okinawa jouissait il y a encore quelques décennies de l’espérance de vie la plus longue au monde », explique le scientifique japonais Shinkichi Tawada repris par l’AFP. Plus impressionnant encore, l’archipel détient le plus grand nombre de centenaires à l’échelle de la planète, avec selon les estimations, environ 33 centenaires pour 100.000 habitants. Un record qui suscite un grand intérêt chez les scientifiques. D’où les habitants d’Okinawa tirent-ils leur exceptionnelle longévité ? De leur alimentation, selon les spécialistes. Une plante, source de jeunesse Ainsi, Shinkichi Tawada, professeur en agronomie à l’Université des Ryukyu de Nishihara, à Okinawa s’est « toujours intéressé aux substances qui, dans l’alimentation traditionnelle, en sont à l’origine ». Après bientôt 20 ans de recherche, il pourrait finalement avoir percé le secret. Selon les derniers travaux qu’il a menés avec ses collègues, ce dernier résiderait dans un liquide ambré dont se dégagent des parfums tropicaux, suaves : l’huile essentielle de fleur de getto ([guetto] ou alpinia zerumbet). Cette plante appartient à la famille du gingembre, et présente de grandes feuilles vertes, de petites baies rouges et des fleurs blanches. Or, elle regorge de resvératrol, un antioxydant qu’on retrouve dans le raisin (donc dans le vin) et dont les effets sur la longévité sont bien connus. Mais peu nombreux sont ceux qui s’intéressent aux touffes de getto sauvage qui poussent sur le bord des routes. Pour en savoir plus, Shinkichi Tawada et ses collègues ont donc mené des tests sur des démotodes (alpinia zerumbet), une variété de vers ne vivant qu’un mois. Après les avoir exposés quotidiennement au getto, les vers ont vécu 22,6% de temps de plus que les autres. « Traditionnellement, les habitants d’Okinawa ont toujours considéré qu’en mangeant le muchi [un plat d’hiver composé de pâte de riz entourée d’une feuille de getto], on s’immunise contre le rhume, et l’on gagne force et vigueur », explique M. Tawada. Une tradition culinaire qui se perd La consommation de getto serait donc le secret de la population d’Okinawa et pourrait aussi expliquer la baisse de l’espérance de vie actuelle. En effet, à Naha, la principale ville d’Okinawa, les chaînes de hamburgers, de bagels à emporter et les steakhouses ont remplacé les restaurants traditionnels. Il s’agit de rassasier les 19.000 militaires américains en faction sur l’île ; et leur alimentation a en partie déteint sur les habitudes locales, faisant peu à peu abandonner les plats à base de getto. « Aujourd’hui les jeunes mangent beaucoup trop de fast food. L’espérance de vie est en train de baisser considérablement », explique le chercheur. Même si les Japonaises d’Okinawa continuent à vivre 87 ans en moyenne, la moyenne des hommes a chuté et n’est plus que de 79,4 ans, soit moins que la moyenne nationale. En parallèle, on note le taux d’obésité le plus élevé du pays. Pour le professeur Tawada, « il est temps de renouer avec les traditions culinaires de la région ». Pour l’heure, les vieilles dames achètent encore des légumes traditionnels tels que le getto (ses feuilles) et le goya (une courge amère) qui présente lui aussi des vertus intéressantes. Le professeur Tawada lui, a démontré les bienfaits du getto et les commerçants ont semble t-il flairé la bonne affaire. Un secret à exporter ? Ainsi, Keiko Uehara, une commerçante, a mis en vitrine toute une gamme de produit de beauté à base de cet « élixir de jouvence ». « Ici, on en consomme en infusion depuis toujours et ça vous rajeunit. Une eau de beauté tirée de la plante sans alcool fait en outre disparaître toutes les rides », explique la vendeuse qui ne paraît pas ses 64 ans, raconte l’AFP. Même si « aujourd’hui, le getto est utilisé dans les produits de beauté, ce n’est qu’une partie de son potentiel. On peut l’utiliser dans le domaine médical et d’autres secteurs à forte valeur ajoutée », estime le professeur Tawada. Aussi, dans les champs, des agriculteurs envisagent d’augmenter leur production. « Nous ne voulons plus nous contenter d’Okinawa, nous voulons conquérir le marché international et exporter le getto”, déclare Isamu Kina, de la société Rich Green, principale productrice dans la région.