Texte: Olivier Bot / La Tribune de Genève
une forêt durable était plus rentable sur pied qu’abattue.
Le «Gandhi d’Amazonie» dénonce la déforestation
«C’est la première fois de notre histoire qu’un gouvernement brésilien veut raser 4 millions d’hectares de forêt pour l’extraction minière.» Pour Almir Narayamoga Surui, chef du peuple indigène Surui d’Amazonie brésilienne, le décret signé mercredi par le président brésilien Michel Temer est une nouvelle catastrophe pour les peuples indigènes, l’environnement et le climat.
En annulant le statut de réserve de ce territoire situé dans le sud de l’Etat d’Amapa, au nord du pays, le président brésilien a fait une croix sur une superficie de forêt tropicale équivalente au territoire de la Suisse. «Depuis 1970, la déforestation a amputé la forêt amazonienne de 770 000 km2, soit 19 fois la Suisse», précise encore le Genevois Thomas Pizer, président de l’association Aquaverde, qui soutient le combat du chef Surui, qu’on appelle «le Gandhi de la forêt».
«Livrée aux garimpeiros»
Joint grâce à une connexion Internet installée par l’association genevoise pour lui éviter des trajets dangereux vers la ville la plus proche, le chef des 1500 Suruis est depuis deux ans confronté aux intrusions, menaces et violences des garimpeiros, les chercheurs d’or et de diamant de la Terre du Sept Septembre dans l’Etat de Rondônia. «On souffre beaucoup de la déforestation. Cela a créé des divisions au sein de mon peuple, car certains se sont laissés corrompre. Et le gouvernement fait croire que ce sont les indigènes qui veulent cette exploitation minière. C’est faux. Il livre nos terres aux compagnies pour faire oublier l’argent qu’ils ont volé avec la corruption», s’insurge Almir Narayamoga Surui.
L’Amazonie concentre la moitié de la forêt tropicale de la planète. Et 60% de cette jungle se trouve au Brésil. L’enjeu est planétaire. «En 2004, la déforestation au Brésil a reculé grâce aux pressions internationales. Des surveillances satellites et des interventions sur le terrain ont permis de combattre les illégaux. Cela a tenu jusqu’en 2009 et depuis 2012, la déforestation est repartie de plus belle», commente Thomas Pizer, le fondateur d’Aquaverde. «Avec ce décret, les autres terres indigènes et les réserves sont exposées à de plus grands risques, ajoute le chef Surui. Les pollutions minières et la déforestation auront par ailleurs un impact énorme sur les populations locales.»
«Un chef visionnaire»
Almir Narayamoga, 42 ans, ne se contente pas de protester et d’appeler le monde à se mobiliser pour une forêt qui est aussi précieuse pour l’humanité que pour son peuple.
Il lutte depuis qu’il a été désigné à 17 ans comme le chef des Suruis. Chargé des questions d’environnement au sein de la Coordination des organisations indigènes de l’Amazonie brésilienne (COIAB), il a démontré qu’une forêt durable était plus rentable sur pied qu’abattue. Avec l’aide de l’association genevoise Aquaverde, son peuple a planté 200 000 arbres sur son territoire. «C’est le seul chef des peuples indigènes du Brésil qui a initié un programme REDD (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts), soutenu par l’ONU. Il est très respecté au Brésil. Et en 2009, son action a fait jurisprudence en obtenant la reconnaissance juridique de l’appartenance de l’usufruit du carbone aux Indiens», souligne Thomas Pizer.
Le Genevois, ancien délégué du CICR, admire ce chef «visionnaire», qu’il recevra en septembre. Il partage avec lui une même conviction: on ne peut changer le monde que par la force de l’exemple.