Un nouvel assaisonnement fait son entrée dans la gastronomie française sélective : l’ail noir, qui fond en bouche avec des arômes surprenants, et qui a déjà conquis les palais en Asie.
À Billom, dans le centre de la France, Laurent Girard, le premier producteur français de ce condiment, lave, une à une, les gousses d’ail d’un blanc immaculé pour les conserver.
Placés en ligne, ils sont cuits lentement au four pendant quatre à six semaines, à une humidité et une température précises, qu’il garde secrètes. « Au Japon, pendant 45 jours, le célèbre ail Aomori est immergé dans l’eau de mer. Mais comme nous n’avons pas d’eau de mer ici, j’ai dû m’adapter, sans ajouter aucun additif », explique ce producteur.
Grâce à une réaction chimique, les gousses d’ail subissent une transformation moléculaire qui, selon le temps de séchage, va donner l’un ou l’autre goût. Certains ont un goût de champignons, de truffes et de vinaigre balsamique, d’autres de prunes, de réglisse, de café et de chocolat, et il y a aussi ceux qui concentrent tous les arômes à la fois. L’ail perd sa saveur forte et épicée et gagne en douceur, comme un bonbon.
Salé, sucré… et umami
Au Japon, l’ail noir est apparu dans les années 2000. Il évoque l’umami, ce cinquième goût qui s’ajoute aux quatre goûts de base : sucré, salé, aigre et amer. On le trouve, par exemple, dans la sauce de soja.
Girard a découvert l’assaisonnement en 2014, sur le stand d’une Coréenne sur un marché de Bourges (centre-ville). À l’époque, elle travaillait comme vendeuse et était au bord de l’épuisement professionnel.
Un ami lui a conseillé de faire le grand saut. « Après six mois de tests et 50 kilos d’ail à la poubelle, j’ai sauté dans le vide et je me suis débarrassé de tout le reste », se souvient-il. Après avoir essayé différentes variétés, il a opté pour l’ail rose Billom – plus fort en goût – et biologique, car celui cultivé traditionnellement a une « amertume très désagréable ».
Avec des vertus thérapeutiques
Il s’est vite retrouvé en rupture de stock. Les chefs, en particulier, se sont précipités sur le produit, séduits ou intrigués par cet or noir.
« C’est un produit impressionnant. Jusqu’à présent, j’hésitais à l’acheter quand il venait d’Asie, car il était sec, je ne savais pas quoi en faire », explique Eric Germon, du restaurant L’Auberge de la Forge, près de Billom. « C’est un produit frais, vivant, parfumé » avec des saveurs de « sous-bois, de fruits confits, des goûts très différents qui peuvent être associés au foie gras, à la volaille, au homard, au chocolat », dit-il.
Girard fournit désormais des restaurants prestigieux, dont certains sont étoilés au Michelin comme celui du chef Olivier Said, devant le Carrousel de Maringues (au centre).
« Beaucoup de gens n’apprécient pas l’ail, mais ils le font quand il est confit. C’est un plus au menu car il propose de nombreuses combinaisons de plats salés et sucrés », explique Olivier Said. Mais une partie de la clientèle de l’ail noir, tant en France qu’à l’étranger, ne vient pas de la gastronomie : ce condiment a aussi des vertus thérapeutiques, selon plusieurs études médicales.
Il est vendu en gélules, comme complément alimentaire ou pour les cures. Plus riche en antioxydants que l’ail blanc, il semble renforcer le système immunitaire, combattre l’hypertension, le diabète, le cholestérol et même certains types de cancer, selon des études.