Lors de l’événement ‘lunettes vertes, le monde change, êtes-vous prêts ?’, à Lyon, le 23 mars 2017, parmi de nombreuses inspirations, nous avons le grand bonheur d’être présenté à une femme exceptionnelle. Frédérique Bedos ! Pendant 15 minutes elle nous parle de son enfance, comme elle a grandi auprès d’une maman aimante mais dépressive et en constat déclin de son état de santé. Durant ces années difficiles, elle a commencé à fréquenter une famille, par laquelle elle a été adoptée à l’âge de 11 ans. Cette famille, qui comptait 20 enfants adoptifs en tout, venus de tous horizons, couleurs, passés. Voici l’interview poignant réalisé par Céline Hoyeau sur l’ancienne présentatrice MTV, M6 et des Victoires de la musique. Une femme qui a mis ses talents de journaliste au service des ‘humbles héros du quotidien’.
Texte : Céline Hoyeau L’allure d’un mannequin, la peau cuivrée, le sourire magnétique: pendant quinze ans, Frédérique Bedos a interviewé les plus grandes stars pour la chaîne de télévision américaine MTV, elle a recueilli leurs confidences pour l’émission « Concert Privé » sur M6, présenté les Victoires de la musique… Et puis, il y a cinq ans, la belle animatrice a brusquement disparu du petit écran. Avant de réapparaître de manière plus confidentielle sur Internet.
À 42 ans, elle donne désormais la parole à des anonymes, ces « humbles héros du quotidien », pour qui elle a lancé le Projet Imagine. Elle a présenté Dominique Pace, qui a fondé il y a vingt ans l’ONG Biblionef, qui distribue des centaines de milliers de livres neufs dans 90 pays du monde, ou Ryadh Sallem, champion d’Europe de basket fauteuil. Son ambition: développer un média audiovisuel philanthropique, fondé sur le mécénat, qui « remette l’humain au centre et ouvre les esprits pour bâtir le meilleur ensemble ». Naïveté? « Je ne veux pas masquer les problèmes, se défend-elle, mais montrer qu’une solution est possible et comment, par un tout petit geste, on peut aider l’autre à s’en sortir. »
Ce passage des feux de la rampe à l’ombre d’Internet pourrait ressembler à une mise au placard. Il n’en est rien. En décidant de quitter M6 pour se lancer dans le Projet Imagine, Frédérique Bedos a plutôt eu l’impression de « réunir enfin les pièces du puzzle de (sa) vie ».
Car les premiers héros anonymes qui ont inspiré son projet, ce sont ses propres parents adoptifs sans qui, assure-t-elle dans un livre témoignage poignant, elle ne serait pas devenue celle qu’elle est aujourd’hui. « Pendant longtemps, instinctivement, je protégeais mon intimité, ma famille. Mais lorsque j’ai lancé le Projet Imagine, j’ai réalisé que tout partait de là. »
Née d’un père réfugié haïtien qu’elle n’a pas connu, Frédérique Bedos a été élevée par une mère aimante mais dont la fragilité psychique l’a peu à peu entraînée dans une vie chaotique. Bonne élève à l’école, la fillette grandit au rythme des crises de sa mère, régulièrement internée en hôpital, endure le frigo vide, les déménagements à répétition, les semaines dans une caravane glaciale, les explosions de colère des hommes de passage… Jusqu’à ce qu’elle soit confiée à l’âge de onze ans à Michel et Marité, une famille d’accueil atypique à Croix, dans le Nord. Le couple, qui a une unique fille biologique, a recueilli une vingtaine d’enfants dont aucun n’a la même couleur de peau, certains lourdement handicapés, abandonnés. Parmi eux, il y a Pierre-Vincent, sans bras ni jambes: « Le seul projet, pour lui, était un transfert dans un hôpital psychiatrique, où il aurait passé le reste de sa vie… », précise-t-elle.
« J’ai reçu dans ma famille un amour extraordinaire. Je suis convaincue que chacun peut le vivre à sa manière. » Elle-même, en couple pour la troisième fois, n’a eu qu’une fille et ne compte pas adopter. « À chacun sa mission, la mienne est de transmettre le message d’espérance que j’ai reçu dans ma famille. »
Avocate des causes perdues, la foi chevillée au corps, Frédérique Bedos ne cache pourtant pas les blessures de sa vie familiale. « Mes parents ont vécu des drames, comme le suicide de mon frère Gaston, ou la mort de mon neveu, atteint de myopathie. Aimer est toujours un risque », lâche-t-elle. Elle-même a coupé les ponts pendant dix ans , se jetant à corps perdu dans le travail et les nuits folles de la jet-set. « C’est très étrange, je ne m’explique pas ce silence. Cela vient peut-être de la double vie de mon enfance. Mais loin d’eux, je me suis peu à peu éteinte… »
Elle ne cache pas non plus que le passage du monde de la télévision au Projet Imagine fut une traversée du désert. « Je croyais ne pas être attachée aux oripeaux de la gloire, mais c’est lorsque je les ai perdus que je me suis rendu compte que j’existais par eux. Il m’a fallu du temps pour accueillir ma vulnérabilité et comprendre que j’avais de la valeur non par ce que je fais mais par ce que je suis. »
Le temps suspendu d’un cœur généreux
Aujourd’hui âgés de 72 et 74 ans, les parents adoptifs de Frédérique Bedos ont participé à l’implantation en France de Terre des hommes, une ONG qui agit notamment pour la défense des droits de l’enfant. « Ils n’ont pas l’impression d’avoir fait quelque chose de spécial ou d’extraordinaire », souligne-t-elle. Michel et Marité sont croyants mais n’ont jamais imposé leur foi à leurs enfants. « Ma mère s’occupait de chacun comme si le temps se démultipliait matériellement. Nous avions l’impression qu’elle était tellement pleine d’amour que le temps semblait suspendu », se souvient-elle. Aujourd’hui, les enfants devenus grands ont tous quitté la maison, sauf Pierre-Vincent. Sans bras, ni jambes, le jeune homme est pourtant devenu champion handisport de foot et de tir à la carabine. « C’est mon père qui l’a entraîné », précise Frédérique.