Texte: Jean Nerva… Le lac Baïkal se situe en Sibérie. Il mesure 640 km de long pour 80 km de large avec une profondeur maximum de 1640 m. C’est la plus grosse quantité d’eau douce liquide au monde. Cette année au mois de février (Gla, gla !) un groupe de mal voyant et de mal entendant a passé une semaine a progresser en ski sur le lac gelé et les montagnes bordant ses rives. Le but de cette expédition était de faire connaitre leur handicap, de prouver qu’il ne les empêchait pas d’agir et de rencontrer les associations locales de déficients de ces sens. Spasiba Tovarich !
Dans cette véritable mer intérieure vit une espèce de phoque d’eau douce unique au monde. Mammifères marins, ceux ci ont besoin de remonter à la surface régulièrement pour respirer. Durant les cinq mois d’hiver où le lac est recouvert d’une épaisse couche de glace, ces phoques font des brèches à sa surface et les entretiennent quotidiennement pour pouvoir continuer à respirer cet oxygène vital. Nous aussi, handicapés, mirots et durs de la feuille, nous creusons quotidiennement des ouvertures dans la camisole de glace qui a recouvert nos vies pour pouvoir continuer à exister. Ce défi fut pour nous tous, une incroyable bouffée de cet oxygène et une remontée à la surface de nos existences.
Pour Gérard le non voyant cherchant un moyen de communiquer avec Francoise la non entendante, pour Nicolas le barbu de toujours acceptant de raser son viril attribut pour permettre aux non entendant de lire sur ses lèvres, pour Daniel de Montagnes du Silence, nous apprenant les bases du langage des signes, pour Nadia parlant de sa difficulté à accepter sa canne blanche sans que celle ci n’altère en aucune manière sa féminité et son pouvoir de séduction, pour Alice qui au moment de pénétrer dans le Bania (sauna russe) enlève ses appareils auditifs et nous dit avec un sourire desarmant qu’elle nous fera des signes de son monde de silence, pour Yves le geek que sa seule vision périphérique n’empêche pas de communiquer sur le web avec le reste du monde même dans ce désert blanc, pour Stéphane le grimpeur qui parle de la volonté qu’il lui faut trouver pour passe des voies difficiles, sans voir les prises, pour moi et mes rétines abimées par un rare cancer qui collecte des lunettes de soleil pour aller les distribuer de par le monde et protéger ainsi les rétines des autres et aussi pour tous nos fidèles accompagnants bénévoles.
Ce Défi Baïkal fut un petit défi physique (Euh, quoi que les descentes en skis de fond de ces montagnes russes J ) mais un gros challenge humain, une aventure où nous avons partager des souffrances mais aussi des joies, en versant au passage quelques gouttes tièdes et salées de notre humanité dans cet océan d’eau douce glacée … en attendant le dégel, lequel ?
Jean Nerva