Isabelle : mon ami, j’ai vu une série de documentaire sur la cabale, terriblement bien documentés, qui fait froid dans le dos. Que faire avec cette réalité monstrueuse ? Faut-il s’en détourner et ne regarder que les champs de fleurs et les levers de soleil ?
Alain-Yan : Bien au contraire ! Il faut regarder ces vidéos et accueillir ces aspects rebutants de la réalité avec une tendresse vigilante! Nous avons une tendance inculquée à renier ce qui nous dérange, à penser que si l’on maintient le problème à distance, il ne nous affectera pas. Mais notre résistance le renforce… On renforce un phénomène d’exclusion que l’on dénonce par ailleurs. Si l’on accueille en soi les aspects les moins reluisants du monde, la séparation qui les maintient en vie commence à s’estomper, à se dissoudre.
Isabelle : Mais comment est-il possible d’aimer des monstres humains?
Alain-Yan : Ces monstres sont des aspects de nous-mêmes. Il faut accepter cela, s’approprier cette réalité et l’accepter en soi. C’est comme son enfant, qui est le fruit de notre chair et qui peut être turbulent, ingérable et violent. Il est à la fois notre enfant et pourtant cruel. Un bon père ou une bonne mère ne va pas nier la perversion de son enfant, s’en détourner et quitter le domicile en le laissant à la maison, livré à lui-même, seul et abandonné, sous prétexte qu’il parasite notre existence. Non, un bon parent va le saisir énergiquement par les épaules, plonger son regard dans le sien et lui dire « Ça suffit maintenant ! Stop! », avec fermeté et tendresse en même temps.
Isabelle : Ne faut-il pas plutôt pointer son attention sur la planète idéale à laquelle nous aspirons pour créer une nouvelle ligne temporelle harmonieuse ? En mettant notre attention sur cette barbarie, ne risquons-nous par de densifier cette réalité cauchemardesque, par le pouvoir de nos pensées ?
Alain-Yan : Nier ce mauvais film et s’en détourner, c’est lui accorder plus de réalité qu’à soi-même… C’est se mettre en position d’impuissance. J’ai trop peur, je ne veux pas savoir. Et comment le grand cauchemar planétaire nous retient-il dans ses filets ? Par la peur! 😉 Ensuite, on ruse et on se fabrique une identité de victime bienveillante, avec les méchants au dehors de nous. L’introspection honnête est devenue primordiale, à mon avis. Reconnaitre que les horreurs que je découvre résonnent en moi – ce « moi » qui ne s’arrête pas aux contours de mon corps mais comprend toute chose, c’est un merveilleux acte de sabotage du vieux paradigme. Ce monde violent, nous l’avons alimenté depuis des milliers d’années à travers le miroir déformant de nos croyances. Reconnaitre toute cette violence en nous-même, même de manière potentielle, et l’assumer, permet de transmuter l’ombre en nous et d’assainir la conscience collective. En d’autre termes, oser « l’amour inconditionnel couillu » (entendons « amour vigilant », c’est libérer la Terre de son ignorance. Pas besoin de se gaver des informations qui foisonnent actuellement sur le net pour s’en rendre compte et le sentir : c’est la fin du monde tel qu’on l’a connu. C’est une jolie métaphore, nous voilà physiquement confinés, comme nous le sommes intérieurement depuis des âges, chacun dans sa petite identité, défendant sa petite bulle rose qui n’est rien d’autre qu’un univers carcéral intérieur joliment aménagé. La pandémie, l’écroulement des systèmes qui en découle, l’exposition croissante des horreurs du monde, tout ça est un miraculeux jeu de miroir qui nous invite à … réfléchir, à faire de nouveaux choix.
Isabelle : Ceci me fait penser à cette citation d’Alan Watts : « Le gagnant a besoin d’un perdant ; le saint d’un pécheur ; le sage d’un imbécile : tout au moins tant que la plus grande joie que l’on puisse avoir dans l’existence sera «d’arriver à quelque chose», «d’être quelqu’un», une petite divinité spécifique et séparée. » Cela signifie-t-il qu’il faut danser avec le Diable pour manifester Dieu dans sa totalité?
Alain-Yan : Oui, se croire séparé de ces êtres « nuisibles », c’est se mettre soi-même en prison. Une prison dans laquelle nos croyances et nos jugements prennent tant de place qu’il n’y a plus de place pour le pardon ! Alors invitons joyeusement le Démon à notre table et pardonnons-nous. Dansons avec lui avec tout l’amour dont nous sommes capables! Le cauchemar perdra toute substance.
Isabelle: Oui, je comprends, merci Alain-Yan. Danser avec le Diable ce n’est pas pactiser avec lui ni lui faire allégeance. C’est l’inviter dans notre lumière pour transformer sa nature.