(en référence au Great Turning de Joanna Macy)
Tu m’as demandé de te parler du Grand Tournant
De la façon dont nous avons sauvé le monde d’une catastrophe.
La réponse est à la fois simple et complexe.
Nous avons changé de cap.
Pendant des centaines d’années,
nous nous étions détournés de la vie sur terre,
qui devenait de plus en plus précaire
Nous nous étions détournés des personnes sans domicile fixe dans les rues,
De la puanteur de la rivière,
Des enfants orphelins en Irak,
Des mères qui meurent du sida en Afrique.
Nous nous étions détournés parce que c’est ce qu’on nous avait enseigné.
Nous nous étions détournés de notre propre douleur, et de la douleur dans les yeux de l’autre,
Du père ivre, de l’ami trahi.
On nous a toujours dit, par des actes plus forts que les mots, de nous détourner, de nous détourner.
Nous sommes donc devenus un peuple solitaire, pris dans un monde qui évolue trop vite,
trop inconsciemment vers sa propre fin.
Jusqu’à ce qu’il nous semble qu’il n’y ait plus d’espace sûr vers où nous tourner.
Aucun endroit, intérieur ou extérieur, qui ne nous rappelle la peur ou la terreur, le désespoir et la perte, la colère et le chagrin.
Pourtant, un de ces jours, une personne s’est retournée.
Elle s’est tournée vers la douleur.
Elle s’est tournée vers l’étranger.
Elle s’est tournée pour regarder le monde fumant et la haine qui couvait dans les yeux de trop de personnes.
Elle s’est tournée vers elle-même.
Et puis une autre personne s’est aussi tournée. Et une autre. Et une autre.
Et en pleurant, elles se sont prises par la main.
Jusqu’à ce que des groupes entiers de personnes se retournent.
Jeunes et vieux, gays et hétéros.
Des gens de toutes les couleurs, de toutes les nations, de toutes les religions.
Se tournant non seulement vers la douleur et la souffrance,
mais aussi vers la beauté, la gratitude et l’amour.
Se tournant les un.e.s vers les autres avec pardon et un désir de paix dans leur cœur.
Au début, ce retournement donnait le vertige, jusqu’à en être étourdi.
Il y avait des gens qui se tenaient sur le côté, ébahis, qui critiquaient, qui essayaient de faire tomber ceux qui se retournaient.
Mais les gens, qui se retournaient, se relevaient, et s’aidaient les uns les autres à se relever.
Leurs rires et leur gentillesse ont fait entrer d’autres personnes dans le cercle de celles qui se retournaient
Jusqu’à ce que même les opposants commencent à sourire et à hésiter.
Lorsque les gens se sont retournés, ils ont commencé à tourner sur eux-mêmes
A retisser la toile de la vie, à réparer les déchirures choquantes,
A la reconstituer avec les couleurs de la terre,
A y coudre de minuscules miroirs pour que la beauté de chaque personne, de chaque créature, de chaque plante, de chaque vie puissent être vue et respectée.
Et quand les gens se sont retournés, quand ils ont filé comme la terre à travers l’univers,
La toile s’est enroulée autour d’eux comme une couverture douce.
Il faut faire comprendre qu’alors toutes les personnes étaient aimée, sans séparation.
Alors que cet amour s’infiltrait dans chaque fissure et chaque crevasse, les gens ont commencé à s’éveiller et à s’émerveiller,
pour respirer et rendre grâce, pour célébrer ensemble.
Et ainsi le monde a été sauvé, mais seulement tant que toi aussi, ma douce, tu te souviendras de te transformer.