Entre vues à couper le souffle, traditions et mondialisation
Florian Ledoux, photographe et reporter, est parti plusieurs fois en exploration dans les contrées nordiques lointaines. De ses voyages, il ramène des séries photographiques de paysages hallucinants, mais aussi des témoignages des dernières sociétés inuits, qui évoluent tant bien que mal à l’écart du monde. Une expérience qu’il souhaite partager, pour donner davantage de visibilité à cette partie du globe sous exposée mais pas ignorée des géants de la mondialisation.
Un projet photographique engagé
Ce n’est pas un hasard si Florian Ledoux a choisi le Groenland pour en faire le sujet de ses photographies. Élevé par des parents qui lui ont transmis le goût du voyage, il parcourt aujourd’hui le monde à la recherche de ces endroits où la nature est encore reine. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces lieux préservés se font rares. Conscient des changements qui s’opèrent dans le monde moderne, le photographe souhaite aussi documenter des modes de vie en voie de disparition par une approche anthropologique. Ainsi, il est parti là où « Seuls le temps et la glace sont maîtres ». Pour combien de temps encore ?
Au travers de ses photographies, Florian souhaite éveiller les consciences, informer sur les enjeux de protection de l’environnement et montrer l’intérêt de la sauvegarde des us et coutumes arctiques. En proposant aux spectateurs de s’immerger dans une nature sans limite, le photographe souhaite aussi instaurer un « temps de pause », de la tranquillité dans nos modes de vie « urbanisés et déshumanisés ».
Un pays touché par le réchauffement et la mondialisation
Le changement climatique et la marche de la mondialisation n’épargnent aucune région du monde. Au Groenland, si les ravages du réchauffement climatique ne sautent pas aux yeux de ses habitants, ils existent pourtant bien, données scientifiques à l’appui. Ainsi, en juin 2016, on apprenait que ce sont 1,36 million de kilomètres carrés de glace de moins que la moyenne des 30 dernières années qui recouvraient le territoire arctique. Pendant son dernier voyage, Florian Ledoux s’est dit surpris de voir briller un soleil de printemps au mois d’avril, dans une région où le printemps n’est pas censé commencer avant le mois de juin. La neige, quant à elle, commençait à fondre sous les pattes des chiens de traîneaux, rendant leur course plus difficile.
Les chiffres sont si impressionnants qu’on peine à réaliser l’ampleur de la situation. Au Groenland, on estime que près de 95% des glaces sont touchées par la fonte. Une donnée qui ne laisse pas indifférentes les compagnies minières qui espèrent pouvoir tirer profit des ressources du pays, plus facilement accessibles. Pays constitutif autonome du Royaume du Danemark, le Groenland et ses habitants espèrent encore un jour obtenir l’indépendance, à laquelle ces exploitations minières et pétrolières pourraient aider sur le plan économique. Un paradoxe qui pourrait couter cher au patrimoine naturel mondial.
Une scission entre ville et village, entre tradition et consommation
Pendant plusieurs jours, il a suivi Angani, un inuit vivant dans le village de Kulusuk. Là-bas, pendant très longtemps, la chasse a été un besoin alimentaire, profondément ancré dans la culture. À défaut des abattoirs de masse, la chasse alimentaire s’inscrit toujours aujourd’hui dans le respect de traditions propres au peuple inuit. Au début du siècle dernier, les gens habitaient encore par groupes de 30 dans des refuges en pierre, et le scorbut faisait rage. Aujourd’hui, la société est organisée en villages et en villes, et on y trouve des produits de grande consommation importés des continents. La partie Est du Groenland, quant à elle, a été pratiquement désertée.
Comme la plupart des pays en transition économique, le Groenland n’est pas exempt du phénomène d’exode rural. Les jeunes Inuits préfèrent de plus en plus migrer vers la ville du Nord, Tasiilaq, à la recherche d’emplois. Là-bas, on trouve des magasins alimentaires approvisionnés en surgelés et en plats déjà préparés. La neige, quant à elle, commence à y fondre bien plus tôt, laissant place à un sol boueux. Aux abords de la ville, on rencontre une déchetterie à ciel ouvert, qui témoigne d’une carence dans la gestion des déchets. Dans les maisons, la télévision occupe le salon, avec son lot de publicités et de divertissements, faisant la promotion d’un mode de vie occidental. Au Nord, comme partout ailleurs, les nouveaux besoins s’exportent, faisant reculer un peu plus les traditions, mais aussi la glace.