La beauté d’un papillon. Ou plutôt la beauté d’une aile de papillon. Elles sont belles, ses ailes. Même très belles. Elle l’était aussi. Oui, elle était probablement beaucoup plus belle. Elle, c’est une fille que j’ai rencontré un soir d’été. Ses origines importent peu, ainsi que son histoire. Ce qui compte c’est qu’elle était belle. Aussi belle qu’un coucher de soleil, aussi belle et rafraichissante qu’une vague s’écrasant sur un rocher, aussi belle que mille papillons volants dans un ciel ensoleillé.
Je ne vous la décrirais pas. La beauté étant relative, je préfère que vous aillez en tête votre définition de la beauté. Imaginez votre femme idéale, et rendez-la plus belle. Pleine de joie de vivre, pleine de couleur. Comme une limonade.
Son nom importe peu aussi, même si elle aurait mérité le nom d’une déesse. Aphrodite étant un peu cliché, je la nommerais Mnémosyne. Avec un peu de chance, ça vous aidera à vous souvenir de ce que vous êtes entrain de lire.
Je l’ai rencontrée un soir d’été, la lune était pleine, les grillons chantaient pour nous, et le vent soufflait juste assez pour nous décoiffer. C’est aux alentours de minuit, sous la pleine lune, que le plus banal des événements se produisit: un papillon de nuit apparu.
Mouton noir de la famille des papillons, le vilain petit canard, le papillon que l’on oublie lorsque l’on prononce le mot “Papillon”. Il volait calmement en contre-nuit avant d’atterrir sur la table, juste à côté d’une bougie. Sous cette lumière il se pavanait et nous montrait qu’il n’avait rien à envier à son cousin diurne, les formes qu’arboraient ses ailes étaient tout aussi belles que celles de n’importe quel papillon. Une version en nuances de gris du plus coloré des papillons. Plus nostalgique, plus mélancolique, plus poétique.
Mnémosyne n’était pas de cet avis là. Aussitôt qu’elle aperçu la bête, elle se mit à hurler et à s’agiter dans tous les sens… Je dois vous avouer que j’était assez perplexe sur le moment. Une fois la panique passée et le noble animal injustement chassé, elle me dit d’une voix aussi embarrassée que sensuelle “J’ai peur des papillons”.
C’était la première (et probablement dernière) fois qu’une fille m’eut dit quelque chose de pareil. Cette révélation me laissa longtemps songeur… Comment une fille peut-elle avoir peur d’un papillon? Ceux de jours comme de nuit, la terrorisaient de manière incontrôlable.
J’ai alors décidé d’essayer de comprendre comment une si jolie fille pouvait avoir peur d’un si joli animal.
Peut-être a-t-elle peur de la beauté. Terrorisée à l’idée d’admirer quelque chose de plus beau que son reflet. Il est probable que n’ayant jamais rien de vu de plus agréable au regard que soit-même, l’idée que quelque chose d’encore plus beau puisse seulement exister, soit dérangeant ou paraisse contre-nature. A-t-elle peur de l’animal, ou de la beauté même?
Telle est la vraie question.
La phobie vient peut-être de l’illusion de la beauté. En effet, un papillon n’est beau que de par ses ailes, si l’on ne prend que la partie centrale de l’animal, le corps, il est tout aussi repoussant que n’importe quel autre insecte. Mnémosyne a peut-être, par le passé, été bernée par quelque chose ou quelqu’un qui paraissait beau, mais qui s’est dévoilé être moche, voire dangereux. Comme un enfant qui trouve une flamme magnifique, et finit par se brûler en voulant la toucher.
Mnémosyne a dû rencontrer un jeune homme beau, qui au final l’a faite plus souffrir que n’importe quelle autre pénitence que la vie lui réservait. Cette phobie des papillons ne serait donc qu’une conséquence d’un amour déchu. Un coeur brisé. Des larmes qui coulent le long d’une joue.
D’ailleurs, ne dit-on pas “avoir des papillons dans le ventre” lorsque l’on est amoureux?
Mnémosyne fuit probablement ces papillons là. Ainsi ce n’est pas la beauté qui l’effraie, ni l’animal, mais simplement l’Amour. En considérant que tout être humain cherche son âme soeur, son autre moitié, Mnémosyne se fuit peut-être elle même.
Et si elle avait peur de ce qu’un papillon peut provoquer? On dit qu’un battement d’aile d’un papillon volant paisiblement dans le sud de la Grèce peut provoquer un Tsunami à Pukhet. On pourrait en déduire que, Mnémosyne, consciente du drame que peut provoquer un événement des plus paisibles, soit paniquée
à l’idée de ce que ses propres actions peuvent engendrer. Ce sont les conséquences qui la terrorisent. Une personne ainsi pensant, ne peut vivre sainement. Inconsciemment, le papillon ne serait donc qu’une raison qu’elle a donné à sa peur de la vie.
Un papillon est mort, et je m’endors….